À elle seule

Nouvelle écrite par Voiceofcloud


La jeune femme marche tranquillement à travers la vallée, les yeux plissés pour se protéger instinctivement de la lumière aveuglante du soleil ainsi que du sable qui se soulève légèrement du sol lors de quelques bourrasques de vent. Elle porte régulièrement son bras à son front et essuie du mieux qu'elle le peut la sueur qui coule doucement sur son visage.

Soudainement, elle s'arrête un moment et écoute les bruits environnants. Elle n'entend pourtant rien à part sa respiration irrégulière et son cheval qui hennit au loin derrière elle. Elle tourne alors la tête vers ce dernier et soupire avant de poser les yeux sur la petite cabane qui se trouve à l'opposé de l'animal. La jeune femme enlève son chapeau un instant pour replacer ses cheveux châtains en une queue de cheval, puis le remet rapidement sur sa tête. Lorsqu'elle recommence à marcher, le bruit sourd du métal qui se trouve sur le talon de ses bottes de cowboy résonne dans le silence de la vallée.

Quelque chose attire tout à coup son attention vers sa droite, ce qui lui fait automatiquement tourner les yeux dans cette direction. Elle remarque qu'un homme musclé et avec la peau mate se tient debout au sommet d'une montagne et l'observe. La jeune femme le fixe un instant sans toutefois cesser d'avancer, le souffle court. Elle pose sa main sur l'une des pochettes en cuir beige qui contiennent chacune une arme chargée, puis prend une grande inspiration pour essayer de se calmer. Malgré elle, ses pulsations cardiaques vont maintenant à une vitesse folle et sa respiration est étrangement bruyante. Soudain, une douleur atroce lui prend à la nuque et elle se sent prise d'un fort étourdissement. Elle porte aussitôt la main derrière sa tête, puis se laisse tomber sur les genoux contre le sable brûlant. Bientôt, elle se retrouve étendue sur le sol et tout devient noir.

Lorsque la jeune femme revient à elle, elle remarque en premier lieu que sa vue est embrouillée et qu'elle a terriblement mal à la tête. Ensuite, elle entend deux fois masculines très distinctes lui parvenir jusqu'aux oreilles, puis elle perçoit un faible mouvement près d'elle. Elle relève la tête et cligne plusieurs fois des yeux, puis laisse échapper un soupir quand elle commence à distinguer ce qui se trouve à ses côtés. Elle constate qu'elle repose dans une petite charrette et qu'un homme est assis dos à elle vers l'arrière du véhicule, examinant le paysage qui défile pendante qu'ils continuent d'avancer. Elle le fixe un moment, puis se redresse silencieusement et s'adosse contre les minces planches de bois composant un des murs de la carriole. Elle porte la main à son visage et se gratte nerveusement le menton. Elle chercher du regard une place où elle pourrait sortir de cet endroit sans se faire voir, mais la seule sortie possible est le lieu où est installé l'homme. La jeune femme pose les yeux sur lui, puis laisse tomber mollement ses mains sur ses jambes. Elle est surprise de remarquer que sa chemise et son pantalon sont trempés d'une façon étrange. Lorsqu'elle se rend compte qu'une personne doit l'avoir aspergée d'eau, une incompréhension immense s'empare d'elle. Elle croyait qu'elle s'était fait kidnapper, mais elle n'en est plus trop certaine à présent.

Soudain, l'homme se retourne vers elle et lui sourit. La jeune femme reste bouche bée lorsqu'elle découvre qu'il s'agit du garçon qu'elle a aperçu sur le flanc de la montagne tout à l'heure. Bien qu'il paraisse sympathique, elle ne sait pas si elle peut lui faire confiance. En effet, elle en sait rien de lui... Tout à coup, le type s'avance doucement vers elle, légèrement penché vers l'avant pour éviter de se frapper la tête sur le toit de la charrette. La demoiselle retient son souffle et met instinctivement la main sur l'une de ses armes au cas où elle devrait se défendre.

- Et puis Mathilda, ça va mieux? lui demande l'homme en lui touchant le front.
  La jeune femme le fixe un instant sans comprendre. Elle ne sait pas comment ce gars a pu savoir quel était son prénom. Elle est incapable de saisir ce qui se passe en ce moment.
- Je m'appelle Pepito, annonce le type. On s'est vus tout à l'heure lorsque tu t'en allais vers ma cabane. Tu te souviens? Quand je t'ai vue tomber, j'ai averti les autres et on est venus te ramasser. Tu étais complètement déshydratée. Tu sais, ce n'est pas très prudent pour une femme de ton âge de te promener seule dans cet endroit perdu. Qu'est-ce que tu venais y faire, dis-moi?
- Je venais voir qui restait dans cette baraque. Le shérif m'avait demandé de le faire.
- Et pourquoi tu n'y as pas été avec ton cheval?
- Je ne sais pas. Je voulais le laisser un peu se reposer. Au fait, où il est?
- Ne t'inquiète pas, on ne l'a pas laissé là-bas. Il est attaché après la charrette.
- Et où est-ce qu'on va?
- J'en ai aucune idée, ma chérie. Il faudrait que tu demandes au conducteur si tu veux le savoir.
- Comment est-ce que tu connais mon nom au fait?
- C'est Armel qui me l'a dit. Ça te surprend qu'on se connaisse?

Ce dernier est le shérif de la région et également le seul oncle dont elle a fait connaissance depuis ses vingt-deux ans sur la Terre. La jeune femme est ébahie qu'il l'ait entraînée dans cette enquête qu'il qualifiait de dangereuse et ensuite, qu'il soit de pair avec Pepito. En effet, ces deux hommes ont l'air de se connaître depuis longtemps si on écoute ce que dit l'homme à la peau mate. Ce dernier touche doucement une de ses mèches bouclées et lui tend la main. Ne sachant pas réellement comment réagir, elle l'empoigne solidement.
- Gérard, arrête-toi! crie Pepito.

Quelques secondes plus tard, la petite voiture s'arrête brusquement. Ils en descendent vivement et se retrouvent sur le sable chaud. Mathilda constate que son cheval est bien attaché à la charrette, ce qui la soulage un peu. Lorsqu'elle essaie de se diriger vers son animal, elle se rend compte que Pepito lui tient toujours la main fermement. Elle le dévisage étrangement, mais elle reste calme. Après peu de temps, deux autres hommes les rejoignent. La jeune femme reconnaît immédiatement le shérif, un type assez costaud à l'allure amicale et dure en même temps. Sans s'en apercevoir, elle lui jette un regard froid et cruel. Elle n'arrive pas à croire qu'il lui ait menti en lui racontant que Pepito était un homme méchant et vulgaire. Quand elle pose ses yeux sur l'autre type qui est nécessairement Gérald, elle se rend compte qu'il a l'air assez jeune. Il est mince, a des cheveux noirs cours et ondulés, son regard a une apparence nerveuse et triste à la fois. Elle croit qu'il doit être âgé d'au plus dix-huit ans.

Soudainement, son oncle s'approche d'elle et de Pepito, puis regarde brutalement ce dernier. Celui-ci lâche au même moment la main de la jeune femme et s'éloigne un peu. Mathilda ignore réellement ce qui ne va pas aujourd'hui avec Armel, il est tellement différent des autres jours. Elle voulait suivre les traces de son oncle et devenir l'adjoint du shérif, mais après cet incident incompréhensible, elle ne sait plus si c'est ce qu'elle désire. Elle a la sensation qu'elle ne peut plus lui faire absolument confiance et cela lui fait terriblement peur, car cette personne était la seule à qui elle pouvait se confier dans son village sans avoir à se méfier de ses intentions prochaines. Maintenant, elle commence à percevoir ce que voulait lui faire comprendre Armel lorsqu'il lui avait dit qu'il fallait se méfier de tout le monde sans exception.

- Dis-moi, oncle Armel, qu'est-ce qui se passe? questionne soudainement Mathilda, inquiète.
- Je t'avais prévenue que cette mission était dangereuse, ma chérie, réplique Armel en s'approchant gentiment de la jeune femme. Tu aurais pu mourir là, tu sais?
- Je croyais que tu disais que Pepito était un criminel, note Mathilda, fâchée. Tu m'as menti, non? Il m'a sauvé la vie, je te ferai remarquer! Et, veux-tu bien me dire ce que tu faisais par ici?
- Je voulais être certain qu'il ne t'arriverait rien, précise le shérif. C'était ta première enquête et je voulais que tu sois capable d'y arriver seule.
- Ce n'était pas une vraie enquête, hein? demande Mathilda. Tu m'as envoyée enquêter sur quelque chose qui était faux. Tu imagines jusqu'à quel point tu as pu me mentir? Je ne te reconnais plus, oncle Armel.
- Je t'en prie, ne m'en veux pas pour ça, dit celui-ci. Je voulais être certain que tu étais capable de faire des enquêtes sans l'aide de personne. Je vois maintenant que j'ai bien fait de te mentir sur cela. À présent, je sais que tu n'es pas faite pour ce genre de boulot. Il faut seulement que tu l'acceptes.

Armel met doucement la main sur l'épaule de sa nièce et lui sourit tendrement. Il fait ensuite signe à Pepito de le suivre en avant de la carriole et ils disparaissent tous les deux quelques secondes plus tard. Mathilda et Gérard s'installent face à face dans la charrette, chacun adossé contre un mur du véhicule.
- Tu peux y aller, Pepito! signale soudainement Gérard.

Un instant plus tard, un léger soubresaut secoue les jeunes personnes, indiquant que les chevaux ont recommencé à marcher. Mathilda croise les bras durement et fixe le garçon devant lui. Elle ne l'a jamais vu au village auparavant, elle se demande bien qui il est. Elle ne comprend pas son oncle de lui cacher ses connaissances et elle croit qu'elle ne veut pas réellement savoir tout ce qu'il dissimule.

- Je suis désolé pour la job de l'adjoint du shérif, précise Gérard en la dévisageant de ses yeux bruns.
- J'espère que tu n'es pas trop fâchée contre lui, mentionne-t-il en s'asseyant à côté d'elle.
- Un peu, oui. Cependant, il a peut-être eu raison de faire ça. Imagine si ça avait été une vraie enquête, j'aurais pu être tuée. De toute manière, je n'ai jamais été certaine de vouloir faire ce métier.
- C'est plate, pourtant. Armel nous a dit que ça faisait longtemps qu'il cherchait quelqu'un pour l'aider dans son travail. Il m'a même demandé de l'aider si tu ne faisais pas l'affaire.
- Et qu'est-ce que tu as répondu?
- Rien. Je ne sais pas quoi lui dire. Je n'ai pas envie de risquer ma vie à traquer les criminels, mais il m'offre une opportunité en or d'avoir une bonne place dans la société. Je vais probablement accepter.
- Ça serait bien. Je suis certaine que tu ferais mieux l'affaire que moi.
  Gérard lui sourit tendrement, puis pose son regard sur le plancher de la charrette.
- Tu dis ça seulement pour me faire plaisir, dit le jeune homme.
- Peut-être que tu as raison. Je ne te connais pas en fin du compte. Où restes-tu au fait? Je ne t'ai jamais vu avant aujourd'hui.
- Je reste avec Pepito. Il m'a adopté avec sa femme lorsqu'elle était encore en vie. On reste dans un ranch situé un peu plus loin que la cabane où tu te dirigeais. On fait l'élevage de chevaux et parfois, il y a des petits concours.
- J'en ai jamais entendu parler.
- Ah, c'est étrange. Armel vient souvent pendant les semaines où on en fait.

Tout à coup, la carriole s'arrête et Mathilda se rend compte qu'ils sont arrivés au village. Elle descend rapidement du véhicule, suivi de près par Gérard. Elle se dirige lentement vers son cheval et le détache doucement de la charrette. Armel et Pepito les rejoignent, puis Mathilda s'en va avec son oncle.
- Je ne comprends pas pourquoi Armel a décidé de faire cette enquête, commente Gérard. C'était vraiment risqué que Mathilda apprenne la vérité. Je me demande ce que ça aurait si elle avait découvert que son cher oncle était un criminel...
- Armel voulait seulement faire quelque chose pour qu'elle ne veuille plus faire ce métier. Il est brillant, tu sais? Ce n'est pas moi qui aurais pensé à ce plan...


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