Après le souper, ma foi excellemment préparé
par mes soins (Idyle est nulle en cuisine : elle crame les
pizzas, elle brûle les viandes et bousille les légumes),
je vais regarder la télévision.
L'écran plat 16/9ème coin carré couleur
que je contemple n'a rien de passionnant.
"Tu devrais allumer le poste." me dit Idyle qui
fait la vaisselle.
Je poirote comme un poireau devant une émission
d'un intérêt frustrant (pour ne pas la nommer,
je dirais juste que c'est passé sur TF1, c'est pour
dire...).
Idyle m'appelle pendant la publicité que je ne voulais,
à aucun prix, rater.
"Tu viens ? On va au grenier pour voir si y a pas des
trucs sympas."
"Wouaïe note." je réponds avec mon
franglais inédit.
Une pièce creusée dans la toiture de la maison
sert de grenier, ou plutôt de dépotoir à
objets tordus.
Je me dis que si ça se trouve, on va mettre la main
sur des "machins rigolos" comme des casques de
soldat, des valises en carton, un trombone à coulisse,
un porte feuille plein de vieux billets, un tronc bonne
à coup lisse, des revues coquines de grand-père,
un javelot de menuisier, un pot de ketchup Heinz périmé,
etc.
A la fin de notre investigation, mon attention est attirée
par un livre partiellement pourri. Couvert de moisi, on
distingue tout juste le titre dessus "Merde à
celui qui lit ceci".
J'ouvre le bouquin, dont les pages s'effritent sous mes
voluptueux mouvements de doigts. Une étrange odeur
de souffre s'échappe.
"Ca pu ! T'as pété ?"
"Non, idiot. C'est le grimoire que tu as débusqué
qui sent si fort" me fait elle. "C'est peut-être
un livre de magie."
"Apparemment, ça ressemble plutôt à
un recueille de papiers hygiéniques ayant déjà
servis."
Nous descendons dans la salle à manger pour l'étudier plus attentivement.
C'est un grimoire de mille quelque chose : la date a été
effacée de façon intentionnelle pour ne pas
être connue. Je reconnais que c'est efficace.
Le gars qui l'a écrit devait être manchot des
mains pour écrire comme un pied. Plein de dessins
hideux agrémentent des textes incompréhensibles
pour le novice, et pour moi aussi d'ailleurs.
Par contre, Idyle parvient à me traduire une grande
partie.
Ca parle de recettes avec des yeux de courgette et des racines
de crapaud, de bave de mouche et de pattes d'escargot. Y
pas une rime mais c'est plein de chansons bizarres genre
"Ilédénotre ilabu uncoucome lézotre"
et "Akilébo levabo kilélé lebidé".
"Kamou ! je crois bien que c'est un livre de sorcier.
Il me semble que c'est le petit fils du fils de la grand-mère
du père de ma mère, bref l'un de mes oncles,
qui a ramené ce livre d'une maison qu'il a trouvée
dans la forêt."
"En gros, tu veux dire par là que ton oncle
est un voleur."
"Non. Ce que je veux dire c'est qu'il y a peut-être
un sorcier dans la forêt."
"Ha ha ha ha ha" je m'esclaffe pendant 30 secondes
avant de la regarder droit les yeux. "Tu crois ?? C'est
flippant ton bled."
Je me lève.
"Bon, ira voir ça demain. Là on sort
en boîte."
"Heu... Il est 4h du matin kamou. C'est que l'on a
pas vu le temps passer à lire et..."
Et merdcredi ! L'heure d'aller pieuter. Tant pis, on ira
en boîte vendredi soir. Tu parles Charles...
[suite...]