Longeant tranquillement l'ancienne route abandonnée à cause des arbres tombés lors de la tempête de décembre 1999, Idyle et moi contemplons le majestueux paysage d'automne qui s'offre à nous.
Au détour d'un sentier, nous
découvrons un camion intoxiqué
par la rouille. Couvert également
de mousse et fiché dans les buissons,
il se fond admirablement dans la nature
environnante.
"Il fait quoi ce poids lourd ici
?" enquéris-je.
"Je n'en sais strictement rien.
On dirait qu'il est là depuis
des années. C'est peut-être
le fameux camion de la légende."
Je la vois pâlir à l'idée
d'être nez à nez avec le
sinistre véhicule.
"Bah ! Allons voir de plus près.
On ne risque rien, les monstres ne sont
que des histoires pour faire peur aux
mômes."
J'ouvre la portière conducteur
et je me glisse dans le camion.
Une couche de poussière s'élève.
Une quinte de toux propulse ma boîte
crânienne contre le volant non
rembourré. Sous le choc, je m'énerve
et frappe du poing le tableau de bord,
ce qui a pour conséquence d'activer
le klaxon.
"Et mère Denis !" Ma
voix est inaudible à cause du
bruit insupportable.
Bam ! Bam ! Je martèle comme
un fou l'engin diabolique qui me rend
sourd. En vain. Je descends du camion
pour chercher le klaxon... que je ne
trouve pas. Comment est-ce possible
? D'où provient ce bruit ?
Finalement, au bout de quelques minutes,
le "Pouuuet" finit par s'arrêter.
Bien, cette fois je monte par derrière.
J'entrouvre les battants arrières,
pénétrant dans la cabine
à marchandises. Des caisses ça
et là sont éparpillées.
Une caisse plus grande que les autres
attirent mon attention. Dessus, une
étiquette collée indique
le contenant : cacahuètes. Terribles
! C'est bon ça, les cacahuètes.
Muni d'une branche que j'ai été
ramasser en 10 secondes, me voilà
en train de forcer la caisse comme un
taré. C'est que j'ai faim maintenant.
Et quand elle me tenaille, la faim me
transforme en Superman... Ben quoi ?
Qui a dit que je n'étais pas
Superman ? Moi ?? Ah.
Après un effort herculéen
digne d'Héraclès, je retire
la porte de la caisse.
Stupeur.
Les sachets qu'elle contient n'ont jamais
été ouverts mais sont
tous vides !
C'est quoi ce camion de farces et attrapes
?
Curieux de voir le contenu des autres caisses, j'entreprends un forçage intensif.
Néant. Rien. Que de caisses
vides.
Le drame est grand. J'ai faim. Il doit
être 16h00, l'heure du goûter.
Idyle, qui est aussi à l'intérieur du poids lourd, me soumet l'idée ingénieuse de rentrer afin de nous restaurer. Mais sur ses belles paroles, les portes du camion se referment soudain, sans crier gare (c'est vrai que j'ai pas vu de train).
"C'est quoi ce nouveau délire
? Quelqu'un nous a coincé à
l'intérieur ! Il retient les
portes."
J'ai beau pousser comme un barbare,
rien n'y fait. Je force, je force, je
force. Quitte à me caguer dessus,
je dois rouvrir ces portes. Je force
encore et toujours.
Inutile de vous dire qu'à cet
instant j'ai été pris
de panique. Si ? C'est utile ? Bon ben
j'ai été pris de panique.
Misère. Et mon estomac qui crie
famine.
Des coups de pied. Je commence à
donner des coups de pied à la
Karaté Kid.
Mais comme en réponse à
mon action désespérée,
le klaxon se remet a retentir comme
un sauvage.
"RAAAAAAH".
Idyle me choppe le bras droit comme
l'aurait si bien saisi un gauche, et
me désigne une trappe entre la
cabine de transport et la cabine conducteur.
Cool. On va passer par là pour
sortir.
10 minutes plus tard, nous sommes dehors,
le klaxon ne gueule plus.
Le klaxon... Ouais, mais y en a pas.
Idyle me choppe le bras gauche, comme
l'aurait si bien fait quelqu'un de droit,
et me demande de nous en aller de cet
endroit qu'elle suppose hanté...
[suite...]