Petite chasse au trésor chez les ancêtres

Écrite par Kamou, Andie, Akané, Voice,
Pain, Albator et Keneda

En ce matin de mai, il fait suffisamment doux pour que je mette pour la première fois ma parka orange. Une canette de bière Leffe dans la main droite, une bouteille de Coca Cola light 33 cl (pour mon régime) dans la main gauche, je dévale les escaliers de l’immeuble quatre à quatre pour ne pas rater le bus de 18h72, car je suis déjà en retard sur l’horaire. Je ne dois surtout pas manquer mon rendez-vous...

Et voilà madame Pissoli qui sort de son appartement et qui me fait obstacle! Et ma vitesse centrifuge ne me permet malheureusement pas de m’arrêter. Le télescopage est inévitable! À mon avis, elle m’a entendue cette vieille grosse dinde farcie de noyaux d’olive pour me faire face en me souriant tout en disant "bonjour". Alors, comme je disais, le télescopage est malheureusement inévitable et le choc m'en fait perdre conscience. J'ai l'impression de flotter dans le vide...

Lorsque je reprends mes esprits, je ne reconnais plus rien autour de moi... comme si j'avais voyagé. Je me lève et je regarde autour de moi. Non, je ne rêve pas, ce que je vois ne ressemble en rien aux vieux murs sals et décrépis de l'immeuble. Je suis dans une grange, une vieille grange en ruine. Il faut absolument que je sache où je me trouve et pourquoi j'ai voyagé de cette façon! Je pousse la porte qui grince (ouiiiiiin) et là, je tombe sur le cul! Il n'y a plus de rien de la ville! J'ai dû atterrir au beau milieu du tournage de la petite maison dans la prairie... Partout, des gens se déplacent dans des charrettes tirées par des boeufs et des chevaux et tout le monde porte des costumes d'époque. Exactement comme si... j'avais remonté le temps!!! Je sors alors de la grange et commence à marcher sur les rues de terres battues, en essayant de passer inaperçue, ce qui est difficile quand on porte une parka orange. Je n'ai pas d'autre choix que d'explorer cet étrange endroit... 

Ma marche me mène finalement dans une ville tout droit sortie d'un western, nommée Buffalo City. Certainement à cause d'un certain Buffalo Grill qui y avait séjourné quelques années auparavant. La ville avec ses saloons et ses filles de joie, ses bandits qui n'hésitent pas à dégainer à la moindre occasion, son église, son école, ses petites filles aux nattes et ses petits garçons jouant à se courir après. Je suis étrangère et sur mon passage, les habitants se retournent comme s'ils voyaient pour la première fois une femme qui marche dans la rue.

J'étais alors en train de penser que je devais vite trouver de l'argent, peut-être en jouant au saloon, pour m'acheter une nouvelle veste quand je vois sur le bord du chemin un journal. Je l'ouvre et regarde la date... qui était le 14 août 1852! L'année de naissance de mon arrière-arrière-arrière-grand-père qui s'était cassé la jambe à Naples en 1884 au cours d'une partie de cartes! Non, là, je suis paumée, égarée dans une époque qui m'est inconnue... et en lieu certainement hostile. Pour me remettre de mes premières émotions, je termine ma bière d'un trait. À ce moment-là, une main s'appuie sur mon épaule gauche. Je fais volte-face et me retrouve nez à nez avec un individu à l'allure patibulaire. Et sous les effets combinés de la bière, de la surprise et de la peur, je ne peux m'empêcher de lui éructer en pleine figure.

Tout de suite après coup, un nuage de fumée dense nous entoure rapidement tous les deux. Je ne distingue plus cet homme barbu à travers ce gaz infecte et la main qui s'était posée sur mon épaule n'exerce désormais plus de pression sur mon corps. Malgré les effets encore néfastes de l'alcool, je réussis à avoir la brillante idée de prendre l'occasion de m'enfuir. Je marche tranquillement dans cette ombre et je me retrouve devant un entendue d'eau immense. Je soupire longuement et me laisse tomber sur le sol. J'ai l'impression que tout tourne autour de moi, tout est tellement étrange et mystérieux que je n'y comprends plus rien.

Soudain, j'entends des craquements à ma gauche. Je me tourne la tête rapidement et vois ce dont il s'agit. Je suis si surprise que j'en reste bouche bée. Je me lève, mais plus rien n'est identique à ce que j'avais perçu quelques secondes auparavant. En effet, il y a un quelque chose de monstrueux, effrayant mais en même temps attirant et sensuel devant moi. C'est la pire vision de ma vie: mon ancêtre. Il est vraiment à faire peur, mais d'un autre côté, il a un certain charme qu'on ne retrouve que chez les vendeurs de fleurs et les croque-morts. Il me regarde d'un air penaud, se demandant ce que je fais dans les parages et de quel coin de la planète je viens avec ma parka orange et ma canette de bière Leffe.

Je reçois alors toute une claque lorsqu'il m'invite à le suivre le long de la berge. Nous marchons durant environ 15 minutes. Je regarde souvent derrière pour voir s'il y a trace de mes poursuivants. Nous arrivons ensuite devant une grotte. Une fois a l'intérieur, j'en reste bouche bée, je vois la plus grande merveille de ma vie. Un trésor! ...ou plutôt une carte pour le trouver. J'avais souvent entendu parler, dans ma famille, d'une vieille histoire: mon arrière-arrière- arrière-arrière-arrière-grand-mère était capitaine de navire, et avait, tout au long de sa vie, réunit un trésor qu'il aurait enfui loin des regards indiscrets...

Mon arrière-arrière-arrière-grand-père était en fait muet, mais à travers ses yeux, il me demandait de retrouver ce trésor. Et je savais que cette caverne était le début de tout. Il me semblait reconnaître le lieu décrit par la carte. Je retourne cette dernière dans tous les sens pour essayer de comprendre où je me trouve, mais c'est sans solution. Je détiens une magnifique carte, mais je ne sais même pas où je suis!! C'est alors que mon ancêtre me montre du doigt une croix rouge située au beau milieu de la carte (et oui! j'ai complètement oublié mes lunettes et j'avoue que sans elles, je ne vois pas très clair!).

Finalement, comme je n'ai pas vraiment le choix, je décide de me mettre à la recherche de ce trésor, mais avant cela, il me fallait un cheval, des vivres, une nouvelle paire de lunettes et une nouvelle veste... Je me demande comment je vais réussir à trouver le trésor, moi qui n'avais jamais rien compris aux énigmes et qui les fuyais le plus possible! J'aurais tellement voulu me retrouver dans mon jardin, entourée des fleurs du doux printemps que ma mère avait plantées... J'aurais aimé avoir mon meilleur ami à mes cotés, celui-ci étant plus doué que moi sur le point de vue de la logique. Enfin, je ne savais pas comment et encore moins quand je pourrais revoir ces choses du futur, de mon présent... 

Pour le moment, je marche tranquillement aux côtés de mon ancêtre, nous nous dirigeons vers le village. J'essaie de me cacher le plus possible pour ne pas me faire remarquer, mais c'est peine perdue, toutes les têtes sont tournées vers moi. J'ai l'impression d'être jugée et je crois qu'ils n'ont pas tout à fait tort! À leur place, je poserais moi-même un regard étrange et même mesquin vers moi.

Tout à coup, un homme d'une apparence costaude me bloque le chemin et me fixe méchamment. Mon coeur arrête de battre et je suis incapable de bouger. Mon ancêtre me prend la main et me tire à travers l'amas de gens qui commence à nous entourer. Nous entrons dans une grande bâtisse et je rencontre une femme. Elle me sourit, puis jette un long regard à mon ancêtre. Celui-ci lui fait des signes que je trouve incompréhensibles et elle hausse les sourcils. Elle se tourne ensuite la tête vers moi et m'entraîne loin de la porte d'entrée.
- Toutes les personnes du village te prennent pour une sorcière, me chuchote-t-elle. Il se pourrait que le maître du village décide de te brûler vive... Rodrigue - elle me montre mon ancêtre du doigt - tient à ce que tu restes vivante, il dit que tu es celle qu'on attendait. Je ne comprends que trop rien à ces histoires... mais je n'ai rien à rétorquer. Je ne suis qu'une servante après tout... Rodrigue réapparaît dans l'encadrement de la porte; il sort d'une pièce obscure, sans doute un cagibi qui lui sert de bureau. Il me prend à l'écart de la servante et me donne une liasse de billets. À ce moment-là, la servante qui a vu toute la scène s'approche de moi et me dit: "Ce sont ses dernières économies, fais-en bon usage. Tu vas en avoir besoin pour aller chercher un cheval, mais je te conseille d'aller d'abord te changer.... je sais pas où t'as trouvé ce truc horrible!! Mais si tu me laisses, je pourrais m'en faire un rideau". Je tenais énormément à ma parka orange et ses aveux m'avaient terriblement vexée, mais il fallait que je me résolve à la laisser ici pour le bien de ma mission.

Je vérifie bien mes billets et je sors du local. Les gens semblent moins faire attention à ma présence bien que certains ferment leur porte à ma venue. J'arrive enfin chez le marchant de chevaux. À ma vue, il a un regard inquiet et j'ai cru un instant qu'il ne voudrait rien me vendre, mais il me vend pour quelques billets un mulet boiteux. Ma vieille tante me disait "Qui veut aller loin ménage sa monture". Vu l'état de la bête, je me disais qu'il faudrait que je la ménage beaucoup, car le voyage serait long et prenant. Pour créer un peu plus d'intimité, je décide d'appeler Fernande ma nouvelle amie (comme cette bougresse de Madame Pissoli qui me manquait malgré tout...). Alalala, pauvre Fernande, elle ne savait pas ce qu'il l'attendait... et moi non plus.

Il fait un peu froid dehors et je n'ai plus mon parka... Il ne me reste que quelques billets, mais pas assez pour m'acheter une autre veste. Les économies de ce bon Rodrigue ne sont pas bien grandes et je me doute que ce trésor serait pour lui - et pour moi, car je compte bien prendre ma part - d'un grand soulagement. "Prendre ma part"... et après? Qu'allait-il arriver après cette mission? Je resterais coincée dans ce monde qui n'est pas le mien, je ne pourrais plus revoir tous ces gens que j'aimais, mon chat, mon poisson rouge? Je pensais à ma mère qui devait être en train de fouiller dans ma chambre, profitant de mon absence, et l'idée qu'elle découvre mes affaires me donne un frisson. J'étais perdue dans mes pensées lorsque je sens une main sur mon épaule; c'est mon arrière-arrière-arrière-grand-père, Rodrigue, accompagné de sa servante... Je commence à me demander s'il n'y a pas une histoire entre eux. Elle est toujours là, en veut-elle sa future fortune? Et mon arrière-arrière-arrière-grand-mère alors?

La servante s'avance vers moi pour me servir d'interprète... Une communication dont je ne comprends aucun geste recommence alors entre eux. Selon elle, il me disait qu'il fallait partir tout de suite et que bien qu'il ait confiance en moi, il trouvait que les routes étaient trop dangereuses pour une jeune fille comme moi. Il rajoutait qu'il avait donné rendez-vous ici à un ami qui m'escorterait, et qu'Anita, la servante nous accompagnerait. Encore elle!! Je ne serais donc jamais tranquille! Non vraiment, elle ne m'inspire pas confiance d'autant plus que sur son cheval camarguais, elle a fière allure. Moi, j'avais du mal à monter ma Fernande, mais après quelques essais chaotiques, j'y arrive enfin, sous les rires moqueurs de l'assistance... non vraiment, je détestais cette Anita!

Nous attendions notre 3ème compagnon, et le jour commençait à tomber lorsqu'une silhouette de cowboy apparut à l'autre bout de la rue. Le cowboy semble tout droit sorti d'un film. J'ai de plus en plus l'impression de rêver. Son nom est Luke. C'est étrange, car je me crois presque dans un épisode de Lucky Luke. Ça ne m'étonnerait même pas de voir répliquer les Dalton...

 

[suite...]

 

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